LA VOIX DU SECHUM, Janvier 2012, page 8
Par Pierre Fontaine
Lorsque que le gouvernement Charest a commencé à annoncer les mesures d’austérité qu’il entendait imposer à la population travailleuse avec son budget en 2010, une coalition s’est mise sur pied pour les combattre. Elle s’appelle Coalition opposée à la tarification et la privatisation des services publics.
A commencé à circuler et à se discuter ici et là, l’idée qu’il faudrait organiser une grève générale et sociale qui impliquerait toutes les organisations syndicales, les groupes populaires et sociaux représentant les larges secteurs de la population qui sont victimes des ces politiques gouvernementales en vue de les combattre et de les empêcher.
L’exécutif du SECHUM soutient ce point de vue et c’est la raison pour laquelle ses délégations dans les congrès syndicaux ont travaillé activement pour que notre centrale adopte cette position. Comme nous l’avons rapporté dans notre journal, c’est ce qui s’est produit lors du dernier congrès de la CSN en mai 2011.
LA GRÈVE DEMEURE LA SEULE ARME VÉRITABLE DES TRAVAILLEUSES ET DES TRAVAILLEURS.
Beaucoup souhaiteraient qu’on invente un autre moyen que la grève pour faire valoir nos revendications, un moyen qui demanderait moins de sacrifices et serait sans risque. Mais, c’est malheureusement impossible. D’abord, il est évident que toute lutte exige des efforts et du courage et que ce ne sera jamais facile.
D’autre part, ce n’est pas vraiment une question de choix : la nécessité de la grève s’impose de la réalité concrète du système dans lequel nous vivons. La seule chose qu’une travailleuse ou un travailleur possède, c’est sa force de travail que le patron est très intéressé d’acheter pour faire produire pour son compte, des marchandises ou des services qu’il pourra vendre. Le patron va essayer de payer cette force de travail le moins cher possible et voudra pousser la production au maximum pour en tirer le plus grand profit. Au contraire, l’intérêt des travailleuses et des travailleurs est de tirer le meilleur prix pour leur force de travail et de la conserver en bon état le plus longtemps possible. Mais pour réaliser cela, ils doivent agir collectivement, car s’ils restent isolés individuellement, chacun dans leur coin, ils n’ont aucune force face au patron et restent à sa merci.
Comme l’écrivait et le reconnaissait un homme politique canadien célèbre, qui était pourtant loin d’être un révolutionnaire ou un syndicaliste, dans le système capitaliste :
« c’est la possibilité de la grève qui permet aux ouvriers de négocier à peu près en égaux avec leurs employeurs. C’est une erreur de croire que les syndicats par eux-mêmes suffisent à créer cette égalité: supprimez en effet le droit de grève, ou limitez-le sérieusement, et le syndicalisme devient une institution parmi beaucoup d’autres au service du capitalisme : une organisation commode pour discipliner les travailleurs, occuper leurs loisirs, et assurer leur rentabilité pour l’entreprise. (…)En d’autres termes, si le Travail et le Capital (…) ne sont pas en position de déterminer eux-mêmes les sine qua non de leur collaboration l’un avec l’autre, il n’y a pas négociation entre co- contractants libres et égaux, mais imposition à l’autre de la volonté de l’une des parties, limitée seulement par sa propre bienveillance et par les conditions économiques ambiantes. Alors les garanties de justice sont bien aléatoires (…), la justice – si tant est qu’elle soit présente – ne découle jamais du contrat. » (Pierre Elliot Trudeau, La Grève de l’amiante, Édition du jour, 1970).
Quand les travailleuse set les travailleurs décident de soutenir leurs revendications en faisant la grève, ils refusent de se soumettre à leurs patrons et se proclament leurs égaux. Ils commencent à exiger que leur travail ne serve plus seulement à enrichir une poignée de parasites, mais leurs permette de vivre humainement. C’est ce qui inspire toujours une telle épouvante aux patrons, parce que les grèves commencent à ébranler leur domination : « Tous les rouages s’arrêteront, si ton bras puissant le veut », dit une chanson à propos de la classe ouvrière.
C’est pour cela que les gouvernements aux services des patrons font des lois et imposent des sanctions pour interdire les grèves et décourager les travailleuses et les travailleurs d’en faire. Mais comme ces lois ne visent qu’à désarmer les travailleuses et les travailleurs pour les exploiter davantage, elles suscitent la révolte encore plus et les grèves se produisent malgré elles.
Ironiquement, c’est Pierre Elliot Trudeau, alors Premier Ministre du Canada, qui imposa un gel des salaires coast to coast en 1975 et, déniant toute justice et égalité « entre les parties », provoqua la première grève générale de l’histoire du Canada. Près de 1,3 millions de travailleuses et de travailleurs débrayèrent pendant 24 heures le 14 octobre 1976, non pas pour un contrat de travail, mais contre la politique du gouvernement.
La situation que nous vivons aujourd’hui est semblable. Les politiques et les interventions du gouvernement nous attaquent durement de toutes parts, nous enlevant des acquis gagnés de hautes luttes, s’en prennent à nos services publics de santé, d’éducation, augmentent la tarification, que ce soit Hydro-Québec ou les frais universitaires, augmentent les impôts et les taxes. Tout ça, pour rembourser aux banques les sommes empruntées pour sauver les entreprises de la crise économique.
Dans les négociations collectives, les patrons exigent des reculs comme à Alma chez Rio Tinto ou comme chez White Birch, où le patron veut réduire les salaires de 20% et les rentes de pension des retraités de 40%.
Tous cela se fait toujours pour le plus grand bénéfice des patrons qui, comme le prouvent les statistiques et le récent rapport de l’OCDE, s’enrichissent scandaleusement de plus en plus, pendant que les 99% restant de la population, celles et ceux qui travaillent et produisent toutes ces richesses, en ont de moins en moins pour eux.
Toutes les travailleuses et tous travailleurs du Québec ont fondamentalement les mêmes intérêts contre cette offensive généralisée des patrons contre eux. Une grève générale est une réponse appropriée.